9. R.-H. KÉVORKIAN

Catalogue des «incunables» arméniens (1511/1695) ou Chronique de l’imprimerie arménienne

Préface par J.-P. MAHÉ, 1986, XXXIV + 204 pp., 27 illustrations et 2 cartes dans le texte.

C’est en Europe que les premiers livres imprimés arméniens (XVIe -XVIIe siècles) virent le jour, grâce aux initiatives répétées du clergé, qui envoya ses meilleurs membres s’établir au sein des colonies de négociants arméniens d’Amsterdam, Venise, Marseille, Livourne, etc. On ne s’étonnera donc pas du contexte exceptionnel de cette première étape de l’imprimerie arménienne, caractérisée par la publication d’ouvrages religieux, historiques et pédagogiques — sorte de livres de première nécessité —, ainsi que par la brièveté de vie des ateliers — notamment ceux du XVIe siècle et du début du XVIIe — et les difficultés financières auxquelles se trouvèrent confrontés ces ecclésiastiques, imprimeurs-éditeurs improvisés. Du moins bénéficièrent-ils de l’aide des marchands arméniens d’Europe, qui se découvrirent ainsi une vocation de mécènes.

L’ensemble de ces questions est abordé dans le présent ouvrage, à partir de l’étude des sources imprimées (principalement les colophons des éditions envisagées) et manuscrites (Archives françaises et italiennes), dans le chapitre d’introduction, puis dans les aperçus historiques précédant les descriptifs de chaque atelier typographique. Mais le corps du livre est constitué surtout par le Catalogue des «incunables» arméniens, dont la publication est comprise entre 1511 et 1695 (deux ateliers créés avant cette date sont cependant suivis jusqu’à leur disparition en 1718). Ainsi ce sont quelque 210 incunables qui sont recensés, catalogués et décrits ici, après dépouillement des fonds imprimés des plus grandes bibliothèques européennes, notamment la Bibliothèque Nationale de Paris, la British Library de Londres, la Bibliothèque Vaticane, les Bibliothèques des PP. Mékhitaristes de Vienne et de Venise, les Bibliothèques des Patriarcats arméniens de Constantinople et de Jérusalem (d’après l’inventaire d’Ara Kalaydjian, dans Sion 1966/1967, pour cette dernière), etc. Chaque ouvrage est traité de manière approfondie; les pages de titre et les colophons, parfois très longs mais particulièrement intéressants, sont scrupuleusement reproduits, avec une traduction française très proche du texte arménien. Enfin, un descriptif technique, des données philologiques et une approche de bibliographie matérielle permettent de situer avec certitude la provenance des éditions, dont certaines arboraient de fausses adresses typographiques, et de déceler des rééditions, qui s’étaient parfois succédé la même année et étaient passées inaperçues jusqu’à présent.

Plus généralement, à travers le livre imprimé, c’est le contexte politique et religieux de l’époque, et singulièrement les relations entre les Églises arménienne et romaine, qui nous apparaissent très clairement illustrés par cette épopée, dont la chaîne des colophons équivaut à une véritable Chronique de l’imprimerie arménienne. On y découvre les problèmes que connurent les imprimeurs-éditeurs en terre étrangère pour arriver à leurs fins, le poids de la censure romaine, les difficultés d’acheminement des ouvrages en Orient, les scrupules philologiques des éditeurs pour le choix des manuscrits servant de modèles, mais aussi la volonté dont ils firent preuve pour aboutir, tant en Occident qu’en Orient où il y eut trois tentatives infructueuses de création d’ateliers typographiques durables, compromises essentiellement par l’hostilité des autorités ottomanes et persanes, craignant quant à elles une renaissance culturelle de leurs nationaux chrétiens, première étape vers une émancipation politique.

C’est la raison pour laquelle ces colophons cités «in extenso» représentent à l’évidence des matériaux nouveaux pour l’historiographie arménienne, qui n’avaient jamais été mis, globalement, à la disposition du public d’une façon aussi complète qu’il paraissait possible et raisonnable de le faire.

Prix : 150 chf

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